Avant la restauration – Bible originelle
La première chose à faire lorsque l’on est amené à travailler sur un ouvrage comme celui là, c’est de faire un constat d’état. Prendre un maximum de photos et noter tous les défauts qu’on peut voir ( on rajoutera par la suite ce que j’appelle “les surprises”, les défauts qu’on ne voit pas encore ^^). Je me sers aussi de toutes ces informations visuelles pour créer un avant après pour mes clients.
Ici, je travaille donc sur une Bible, comprenant l’ancien et le nouveau testament, traduite par Monsieur Le Maistre de Saci, datant de 1702. 318 ans. Oui oui ! Vous imaginez ? Il y a 318 ans, un relieur a travaillé pour la première fois sur cet ouvrage, qui sortait d’une presse typographique ! ça a beau être mon métier, ça m’impressionne toujours autant !
Elle est en mauvais état, mais c’est surtout la couvrure qui a mal vécu le passage du temps : le dos est cassé, il en manque une partie, il y a des lacunes sur les plats, les coins sont complètement explosés. Mais l’intérieur est bien : le papier est en bon état, aucune page ne manque et il n’y a pas de déchirure ou manque. Une page est un peu brinquebalante, mais c’est tout ! Donc le gros du travail sera sur le cuir.
Les étapes de restauration de la Bible
Le nettoyage
Je ne connais pas l’histoire de cette Bible. Les éléments à ma connaissance sont très récents : elle a été acheté en l’état sur internet. Donc je n’ai pas la moindre idée de sa conservation ultérieure ou de son utilisation. En général ce genre de gros ouvrage servait surtout en église, mais je ne suis pas sûre que ce soit le cas ici.
Ce que je sais, c’est que pendant 318 ans, elle n’a pas été nettoyée. Je pense avoir récupéré 1 kg de poussière à l’intérieur ^^. Ou pas loin !
Avec un pinceau, page par page, on enlève la poussière visible. Puis, on passe une gomme chaussette sur la page en entier pour enlever celle qui se serait incrusté.
C’est long et ennuyeux, mais ça lui a fait un bien fou ! J’ai passé 4 heures sur cette étape.
Ça m’a donné l’occasion d’admirer les merveilles cachées à l’intérieur…
Les coins de la Bible
Quand un livre vit, qu’il est manipulé, et malheureusement, qu’il tombe – surtout pour un ouvrage de cette taille là – ce sont les coins qui s’abîment en premier lieu ( et la coiffe, qui n’existe plus ici).
Il n’y avait plus de cuir et le carton était complètement rongé sur les quatre coins. La première chose à faire est donc de recréer de la matière pour redonne leur angle aux coins.
Pour se faire, j’ai découpé des morceaux de papier buvard blanc que j’ai inséré entre deux couches de cartons ( un carton est composé de plusieurs feuilles contrecollées). Quand j’ai estimé qu’il y en avait assez, je les ai enserré entre deux serre-joints, et j’ai laissé séché ainsi quelques heures. On redécoupe ensuite le buvard en angle droit, et la colle aidant, nous avons récupéré un coin solide, qu’on peut recouvrir de cuir. Ici, j’ai utilisé un cuir de veau, très lisse.
Les manques
Autant je peux expliquer le dos manquant, car c’est la partie qui est la plus sollicitée à l’ouverture du livre et il est donc normal qu’il finisse par céder, autant, je n’explique pas les autres manques. Il est évident qu’on en n’a pas pris grand soin !
Pour chaque manque, j’ai décalqué la forme de la lacune, puis ai découpé le cuir en fonction, en affinant les bords.
Le dos
Le dos – Histoire et problèmes :
Comme je vous l’ai expliqué plus haut, le dos est un élément fragile : il casse à l’usage. Jusqu’à récemment finalement, le cuir était collé directement sur le dos du livre, sur les cahiers. Donc forcément, quand on ouvrait le livre, le dos prenait la forme. et il finissait par casser. L’entretien régulier de vos livres peut éviter ça : un cirage du cuir une ou deux fois par an ne peut être que bénéfique.
A partir du moment où le “faux-dos” a été inventé, on a pu éviter le problème : le livre s’ouvrait, mais le cuir était collé sur un faux dos, qui lui s’arrondit à l’ouverture, évitant ainsi de casser le cuir. Cela n’empêche pas un entretien régulier ! Le cuir reste fragile sur les mors ( de chaque côté du dos) faites y attention ! Un cuir sec est cassant !
Le parti pris ici était de garder l’ancien et de combler les manques. Il restait un morceau du dos seulement. Je l’ai donc recréé quasi complètement.
Création d’une coque moulée :
Pour protéger le nouveau cuir, j’ai mis en place une coque moulée en papier japon. Le papier japon est un papier très fin. J’ai encollé entre elles plusieurs couches préalablement humidifiées, puis je suis venue placer sur le dos cette épaisseur, un peu molle. Je l’ai moulé à la main, puis j’ai placé des fils de part et d’autre pour marquer les nerfs. Ah oui ! Parce qu’il y a de vrais nerfs ! Ce sont les “boudins” qui sortent de mon livre : en réalité la ficelle sur laquelle il a été cousu. Ceux ci m’empêchent de poser un faux dos classique, il serait gêné par ces nerfs, d’où l’option de la coque moulée.
J’ai posé mon cuir sans chercher à faire de coiffe. Tout le cuir était posé, que ce soit dans les manques, le dos, ou les coins. Une fois sec, j’ai donc reteinté l’intégralité de l’ouvrage. Je ne souhaitais pas quelque chose d’agressif, j’ai donc opté pour une teinture au marc de café. J’ai passé 3 couches, et j’ai laissé sécher.
La dorure :
Ensuite, j’ai doré. J’ai opté pour une dorure simple car je ne possède pas le fleuron utilisé à l’origine. Des doreurs sont spécialisés dans la dorure à l’identique, ce n’était pas le cas ici, il s’agissait juste de souligner les nerfs et de le titrer.
La dernière étape est le cirage. La cire 213 est recommandée pour cette étape. En plus elle a une odeur bien agréable ! 🙂
Les pages de gardes
Les pages de gardes étaient bien abîmées et ne plaisaient pas spécialement à mon client. Nous avons donc choisi ensemble un papier qui lui plaisait, et qui, en même temps restait dans les teintes utilisées au XVIII ème siècle.
Il a donc fallu enlever l’ancienne garde. Pour cela, j’ai déposé une pâte de tylose bien épaisse sur toute la surface de la garde. C’est une colle qui permet de ramollir la colle d’origine sans abîmer le support. J’ai laissé sécher, puis j’ai découpé la nouvelle garde et l’ai posé.
Le nouveau papier a été commandé tout spécialement à Katalin Perry, marbreuse en région parisienne qui fait les papiers sur mesure et à la demande ! Pour découvrir son univers, c’est par ici !
J’espère que ça vous a plu !
Merci de m’avoir fait confiance sur un aussi beau projet 🙂
Si vous aussi vous avez un bel ouvrage comme celui-ci à restaurer, prenez contact avec l’atelier !
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